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panic point 

Suite à mon voyage au nord du Pérou, entre Lobitos et Cabo Blanco, à la frontière de l’Equateur, je vous propose une série de photos nommée "Panic Point", nom donné à un spot de surf à Cabo Blanco, où Hemingway allait pêcher le Marlin.

A Panic Point, les surfeurs n’ont pas le droit à l'erreur. Leur seule autre option, sortir de la vague avant de s’échouer contre des rochers qui ne leur laisseraient aucune chance de survie.

Je dois dire que cela a une certaine résonance en moi.
Tout a commencé lorsque j'ai retrouvé sur un réseau social une vieille connaissance péruvienne. Sur son mur, la vague parfaite. Mais plus encore, cachée derrière celle-ci, une forme étrange... Ce fut pour moi un choc visuel. J'avais enfin trouvé ce que je cherchais : photographier ce qui n’est pas directement accessible dans l’objectif. Les plateformes pétrolières que j’expose sont souvent imposantes et arrogantes. Celles-ci sont justement occultées par une masse, une matière d'une force incroyable. Elles me semblaient fragiles et expressives. C’est précisément ce point-là que je voulais explorer. La vague, dont les embruns entravent le regard, donne une force aux éléments masqués que sont les plateformes. Paradoxalement, face à la force menaçante de la mer, ces structures presque noyées deviennent visuellement vulnérables.
Les paradoxes m’ont toujours attirée.
Face à la mer, toute une série de paillotes accueillent les surfeurs du monde entier. Derrière, ici et là, de vieilles maisons en bois abandonnées abritent des histoires qui hantent encore les murs et l’imaginaire très riche des Péruviens. Impossible de ne pas entendre au fil d’un trajet en taxi, ou d’une conversation avec un local, les histoires à dormir debout, comme celle de cette femme, poignard à la main, hantant telle ou telle maison, vêtue de sa robe de mariée blanche, maculée du sang de son époux et de tous les convives. L'histoire raconte que la mariée cherchant son

jeune époux dans la fête qui battait son plein le trouva à l’étage dans les bras de sa meilleure amie. Folle de douleur, elle les tua tous les deux, ainsi que tout ceux qui entrèrent dans la chambre, puis elle se donna la mort. Depuis, elle errait, menaçante.

Dans ce village presque désert, battu par le vent, où seules les routes payées par les compagnies pétrolières pour faire circuler leurs camions sont en bon état, je discerne les silhouettes de chiens errants et de gallinazos, une espèce de vautour charognard. Derrière le village s'étend le désert envahi par les pipelines, aussi vivants que des autruches cachant leur tête dans le sol.

J’ai parcouru cette côte sur plus de 150 kilomètres. Les plateformes qui se dessinent à l’horizon me paraissaient moins menaçantes que les dizaines de lions de mer échoués morts sur la plage, suintant le pétrole, ou tués par balles par les pêcheurs. Sans compter les hippocampes rapportés par les courants d'une mer plus clémente, morts par dizaines,, étalon absolu d’une pollution bien présente.

Je ne juge pas la folie des hommes.
Je la regarde et j’y aperçois ma part d’ombre.
J’observe les cicatrices, les balafres inscrites dans notre paysage.
Elles nous racontent et écrivent notre histoire.
Ces cicatrices me rappellent que tout acte a sa réponse. Celle-ci peut être violente, mais émouvante aussi.
La prise de conscience pire encore : PANIC POINT.

Francesca Piqueras

 

Panic Point

Following my journey through northern Peru, between Lobitos and Cabo Blanco on the border with Ecuador, I present a series of photographs entitled Panic Point. The name comes from a surf spot in Cabo Blanco, where Hemingway once fished for marlin.

At Panic Point, surfers have no room for error. Their only other option is to escape the wave before crashing onto rocks that would give them no chance of survival.

This resonates deeply with me.
It all began when I reconnected with an old Peruvian acquaintance through social media. On their profile, I saw it—a perfect wave. But hidden behind it was a strange shape, a visual jolt that struck me profoundly. I had finally found what I had been searching for: capturing what is not directly visible in the frame.

The oil platforms I feature are often imposing and arrogant. But here, they are obscured by a mass of incredible force. They seemed fragile and expressive to me. This fragile power is precisely what I wanted to explore. The spray of the wave, obstructing the view, amplifies the hidden presence of the platforms. Paradoxically, in the face of the sea’s menacing power, these nearly submerged structures appear visually vulnerable.

I’ve always been drawn to paradoxes.

Along the coast, surf shacks welcome surfers from around the globe. Behind them, scattered here and there, abandoned wooden houses harbor stories that linger in the walls and fuel the vivid imagination of the Peruvian people.
It’s impossible to avoid hearing, during a taxi ride or a conversation with a local, tales like that of the ghostly bride. Knife in hand, she’s said to haunt a specific house, her white wedding dress stained with the blood of her husband and all the guests. The story goes that she discovered her young groom upstairs, in the arms of her best friend. Overcome by rage, she killed them both, along with everyone who entered the room, before taking her own life. Since then, she has wandered, threatening and restless.

In this nearly deserted village, lashed by the wind, the only well-maintained roads are those paid for by oil companies to transport their trucks. I see stray dogs and gallinazos—a type of scavenger vulture—silhouetted against the bleak backdrop. Beyond the village lies a desert crisscrossed with pipelines, which seem as alive as ostriches burying their heads in the sand.

I traveled over 150 kilometers along this coast. The platforms on the horizon seemed less menacing to me than the dozens of dead sea lions washed ashore, their bodies soaked in oil or riddled with bullets from fishermen. There were also the seahorses, swept in by gentler currents but dead by the dozens—a stark emblem of ever-present pollution.

I do not judge humanity’s madness.
I observe it and see my own shadows reflected there.
I look at the scars, the gashes etched into our landscape. They tell us who we are and write our history. These scars remind me that every action has its consequence—a response that may be violent, yet also moving.

The most harrowing realization of all: PANIC POINT.

— Francesca Piqueras

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