de pierre et de sable

ANDES
C’est avec audace – et une prodigieuse maestria - que Francesca Piqueras aborde les paysages des Andes. L’artiste y condense ses thèmes d’élection : révéler la marque de l’humanité sur la nature et la transformer en une œuvre picturale spectaculaire. L’énergie des couleurs près des sommets n’est rien moins que l’action de notre civilisation sur le climat.
Le Pérou a perdu cinquante pour cent de ses glaciers lors des cinquante dernières années. La montagne est désormais mise à nue, et « l’infinie tapisserie de la vie », célébrée par le biologiste américain Edward O. Wilson, se désagrège à une vitesse inconcevable, laissant apparaître les couches successives de fer, de cuivre et autres minéraux déposés pendant des millions d’années sur le fond d’un océan primitif, longtemps avant la naissance des Andes.
Ces stries colorées sont les témoins de blessures irréversibles laissées par une main invisible. Aucune machine géante, aucune armée de terrassiers n’a foulé ces sommets pour en retirer la glace qui les recouvrait. Seul responsable : le souffle constant d’un monstre silencieux que nous avons inconsidérément laissé exécuter son œuvre de destruction.
DUNE
Une épure empreinte de sensualité, c’est ainsi que Francesca Piqueras immerge le spectateur dans un désert d’outre-monde. Son point de vue abstrait, minimaliste, concentre les formes et les ombres, dévoile des volumes et une géométrie primordiale qui transcende le temps et l’espace.
Comme toujours, et c’est un trait distinctif de l’artiste, il convient de voir au-delà des apparences. Est-ce une vision de la Terre des origines, encore inhabitée, ou ce qui pourrait subsister de notre planète que toute vie aurait déserté ? Sous le regard de Francesca Piqueras, le désert péruvien devient la scène absolue où se mesure le passage de la présence humaine sur la Terre.
Le sable est aujourd’hui l’objet d’une quête rapace à travers le monde. Il est la matière dont nos cités de rêve sont faits – béton et verre – et il disparaît de la surface de la globe à la vitesse d’un sablier renversé. Si tout le sable que nous connaissons venait à disparaître, il faudrait quelques centaines, voire quelques millions d’années pour que les montagnes s’effritent et s’érodent en grains de sable.
Dans cette arène qu’elle maîtrise à la perfection, Francesca Piqueras assemble drame et splendeur, enchevêtre sens et esthétisme en une interprétation onirique de notre condition humaine.