feu

FEU
Le feu est dans la continuité d’un travail de plus de dix ans sur l’influence de l’humain sur le paysage, avec pour fil conducteur l’abandon.
L’homme construit pour des nécessités énergétiques et économiques, il métamorphose le paysage dans ce qu’il sème et abandonne pour aller construire ailleurs.
La nature digère ses excès, les ravale en partie, les décompose et les fait renaître sous d’autres formes, couvertes d’algues, de rouille ou d’oxydations suintantes dans le marbre des montagnes blessées de Carrare, en totémise d’autres, comme les constructions guerrières de la Deuxième Guerre mondiale en Ecosse, ou les épaves sculpturales que j’ai photographiées ailleurs…
J’ai, dans chacune de mes séries, considéré ces re-créations comme une recomposition de la matière au paroxysme d’un cycle de dévoration-régurgitation quasi organique.
En travaillant sur le feu, j’ai voulu entrer dans la matrice de cette matière, et suggérer une transformation plus immédiate, rapide et violente. J’ai voulu pénétrer au plus profond de ce ventre où rien ne se perd, tout se transforme, tout se recycle et devient autre par l’intervention du feu et des hommes.
Dans cette série, la narration s’interprète avec une expression plus abstraite pour certaines, plus dramatique pour d’autres. La tension est là, dans ce point de fusion d’une matière en transition, une mise en abîme d’une transmutation de la matière réduite aux éléments qui la constituent, avec lesquels le feu entre en collision pour une recréation perpétuelle.
La trame de l’histoire est la même, il faut pousser le regard dans l’expression des flammes, ou dans l’énergie des barre en fer embrasées pour laisser parler ce même paradoxe, détruire pour créer, ou créer puis détruire.
Avec le feu, ce n’est plus le temps, les longues années qui décomposent et transforment, mais la matière elle-même qui brûle, qui fond, qui se détruit pour reconstruire une fois de plus autre chose.
C’est la même matière dont je parle différemment chaque fois. Elle représente ce que l’humain fait de lui-même et de ce qui l’entoure, de ce que les paysages racontent de lui.
Francesca Piqueras, Février 2021